Après avoir investi le marché des chaudières à combustion d'hydrogène en 2018, De Dietrich s'est associé avec Bulane (fabricant de chalumeaux alimentés grâce à des électrolyseurs portables) et Suntec (spécialisé dans les systèmes de débit-pression à destination des fluides) pour présenter une chaudière capable de produire de l'hydrogène localement à partir d'électricité renouvelable - et déclinable du collectif à l'industriel. Une solution originale que le consortium entend commercialiser pour tenter de remédier aux difficultés de stabilisation du réseau énergétique liées à une trop grande tendance à l'électrification des process sur le territoire européen.
Adaptation à l'existant
Quand on stocke de l'hydrogène à haute pression, c'est-à-dire aux alentours d'un kilo d'hydrogène pour 11 m2, c'est habituellement pour fournir l'énergie nécessaire à la traction d'un moteur – elle doit être considérable. En revanche, l'hydrogène produit par l'électrolyseur alcalin et transmis ensuite au mélangeur est dit basse pression, en d'autres termes « à la même pression que les réseaux de gaz », indique Simon Massot, directeur des ventes chez Suntec. Une caractéristique qui qualifie les entreprises du gaz à intervenir au plus près de la production.
Dans les applications industrielles où le chalumeau est employé, la chaleur résultant de l'électrolyse alcaline était évacuée par des ventilateurs. Ici, elle est réinjectée dans le réseau de chauffage du site ou dans le process. L'injection d'hydrogène et d'oxygène dans le gaz naturel alimentant une chaudière au gaz à condensation « permet de décaler le point de rosée et ainsi d'améliorer le rendement d'exploitation de la chaudière », souligne Olivier Stenuit, responsable stratégie et développement hydrogène pour De Dietrich.
Travail autour de la réglementation
« L'hydrogène n'étant pas encore tracé comme un gaz valable dans le bâtiment, les installations allant dans ce sens devaient jusqu'à peu décrocher une autorisation ICPE auprès de la Dreal », ajoute Olivier Stenuit. Une réglementation que les acteurs du projet tentent d'infléchir par leur participation à des travaux réglementaires de l'Afnor et une discussion avec la direction générale de la Prévention des risques (DGPR) rattachée au ministère de l'Écologie.
Premier atout dans leur manche : rappeler qu'aux XVIIIe et XIXe siècles déjà, le gaz d'éclairage, composé notamment d'hydrogène, était utilisé pour allumer les lampadaires. Nicolas Simoncini, sociologue des techniques au CNRS, rapporte d'ailleurs qu'en 1860, Lenoir invente le premier moteur à gaz d'éclairage et couvre avec celui-ci une dizaine de kilomètres. Deuxième carte : face aux difficultés de stockage des ENR, faire valoir les atouts en termes de génération à la demande et de déphasage d'une production d'hydrogène locale sans stockage et sans pression. Une stratégie qui pourrait se révéler gagnante. En témoigne la communication du consortium autour du récent avis favorable informel de la DGPR sur la production décentralisée d'hydrogène au sein de bâtiments. Mais si, comme l'indiquent l'Ademe et son guide d'information sur les risques et mesures de sécurité liée à la production d'hydrogène décentralisée, sa probabilité d'explosion à l'air libre est plus faible que les autres gaz du fait de sa plus grande diffusivité, on notera quand même sa plus grande propension à fuir et sa capacité à fragiliser les structures métalliques.
Avec trois sites de production sur le territoire français (Alsace, Montpellier, Dijon), 12 millions de foyers raccordés au gaz (selon l'UFC-Que Choisir) et nombre d'industries preneuses de solutions pour satisfaire aux objectifs de la Stratégie nationale bas carbone (SNBC), le chemin du consortium semble tout tracé. Mais il s'agira maintenant de sauter le pas vers l'industrialisation et se démarquer des solutions alternatives destinées aux industriels, comme la chaudière ShoC à oxycombustion.